dimanche 16 juin 2013

Fourvoirie dans les années 1930

Le dernier acte de la production de chartreuse à Fourvoirie se déroule dans l'entre-deux-guerres.

Le retour des Chartreux à Fourvoirie
Expulsés en 1903 et dépossédés de l’exploitation de leur liqueur, les Chartreux trouvent refuge en Espagne où la production reprend sous une nouvelle appellation, à Tarragone.
Leur retour en France sera progressif. La Compagnie Fermière de la Grande Chartreuse ayant cessé complétement sa fabrication en 1929, ils recouvrent la jouissance de leur marque sur le territoire français. Toutefois la production à Fourvoirie par les chartreux ne redémarre qu'en 1932 (le retour au monastère de la Grande Chartreuse ne s’effectue qu’en 1940). Le site ayant cessé d’être exploité en 1911, il nécessite de longs et importants travaux de rénovation avant de distiller de nouveau.

La présentation de la gamme d’alors
Les bouteilles de cette période se caractérisent par leur double étiquette, celle de Tarragone et l’étiquette traditionnelle, qui ne fait plus l’objet d’une commercialisation abusive. Les Chartreux communiquent à ce sujet via les contre-étiquettes apposées sur les bouteilles.

 En parallèle la chartreuse est toujours produite en Espagne et on distingue les deux aux mentions en surimpression rouge sur les étiquettes, mentions dont la formulation et les variantes vont donner tout un jeu de déclinaisons... "JADIS - Exclusivement fabriquée aujourd'hui par les Pères Chartreux de Tarragone".

Le glissement de terrain de 1935
Le retour sera de courte durée, puisque dans la nuit du 14 au 15 novembre 1935 un important glissement de terrain va détruire une grande partie du site de production. La cause réside a priori dans la nature des sols détrempés par “des pluies torrentielles”. Les clichés d’époque illustrent l’étendue des destructions et les bâtiments ruinés seront alors laissés à l’abandon.
 
 
 
 Cependant dans la catastrophe, les caves de vieillissement ne seront pas touchées  et “par miracle, les caves et les salles contenant les alambics résistèrent à la poussée et toutes les liqueurs qui vieillissaient dans les fameux foudres de chêne furent sauvées.”
 
 
Ils constituèrent ainsi une dernière cuvée produite à Fourvoirie. Celle-ci avec, sa contre étiquettes spécifique, est à ce titre particulièrement “mythique”.
A partir de ce moment la production se fera à Voiron !

Voir aussi :

 

lundi 20 mai 2013

Production à Fourvoirie de 1860 à 1903

On l’a vu l’installation de la production de la chartreuse à Fourvoirie traduit son développement commercial et va en permettre l’industrialisation, le site et ses installations productives en témoignent. C’est une période décisive dans l’histoire de la liqueur au terme de laquelle elle va acquérir une renommé mondiale et se constituer telle que nous la connaissons aujourd’hui.

La distillerie de Fourvoirie
C’est donc aux alentours de 1860 que la décision est prise d’implanter la distillerie à Fourvoirie sur la rive gauche du Guiers (sur la rive droite se trouvait auparavant la forge et le haut fourneau). Il s’agit de mettre en place des installations techniques en vue de permettre une fabrication à plus grande échelle. D’importants travaux d’aménagement vont être réalisés progressivement.
Leur mise en œuvre débutera en 1862 par la transformation dans un premier temps, de l’Obédience (bâtiment qui servait d’entrepôt et d’écurie) en distillerie. La fin des travaux de construction aura lieu deux ans plus tard, en 1864.
 
 La distillerie est composée notamment d’une salle des alambics, d’une chaudière et de mélangeurs, de caves de vieillissement, de locaux de conditionnement et d’expédition, d’un hall et de quais de chargement... et une cheminée caractéristique domine l’ensemble.
 
Une période clé dans l’histoire de la liqueur
L’installation va permettre de se rapprocher des voies de communications tout en conservant une production en chartreuse. Ainsi afin d’acheminer les fûts et bouteilles à Voiron, qui est à cette époque le lieu d’entrepôt et d’expédition, une extension de la ligne de chemin de fer reliant Voiron - Saint Béron (le VSB) va être réalisée.
En quittant l’ancienne pharmacie du monastère, on assiste à la fin de la production artisanale mais c’est également à cette période que se forge l’identité du produit. A cet égard l’action d’un homme va être décisive, il s’agit de Dom Louis Garnier. En effet celui-ci va contribuer à façonner la chartreuse telle que nous la connaissons aujourd'hui...
Celui-ci va non seulement concevoir l’étiquette aux mentions caractéristiques sur laquelle figure, comme de nos jours, sa signature. Il veillera également à protéger le produit des nombreuses contrefaçons et imitations que son succès commercial va entraîner. Il agit en la matière comme un précurseur à une époque où la propriété indistrielle est balbutiante : dépot de la marque et de la présentation.
La présentation va ainsi être amenée à évoluer : forme de la bouteille, mentions, cartouche sablée et non plus en relief... Le document ci-dessous illustrent ces évolutions.
 
 Au terme de cette période la Reine des Liqueurs triomphe commercialement et c’est une activité pleinement prospère qui va être confisquée en 1903 !

Voir aussi :
[Merci à Antoine et Vincent !]

dimanche 5 mai 2013

Fourvoirie - Cartes postales anciennes

Quelques clichés de la distillerie de Fourvoirie...


La distillerie sur la rive gauche du Guiers

Fourvoirie, la distillerie

Train d'expédition sortant de la distillerie
 
La salle des Alambics

Les caves de vieillissement à Fourvoirie

 A suivre...

Voir aussi :

lundi 8 avril 2013

Le site de Fourvoirie - introduction

Plus largement que la production de leur liqueur qui s’y tint de 1860 à 1935, le site de Fourvoirie témoigne de l’activité économique des Pères Chartreux depuis des siècles. Ils y exercèrent tout d’abord une florissante activité de métallurgie du 14ème siècle à la Révolution. La production de chartreuse, fort prospère au 19ème siècle, sera transférée à Voiron suite à un éboulement de terrain qui va détruire en grande partie la distillerie de Fourvoirie en 1935.
Retour sur le site et son histoire à travers une série d’articles dédiés.
 
 
Fourvoirie
Le défilé de Fourvoirie se situe la route du désert de la Chartreuse, entre Saint-Laurent-du-Pont et Saint-Pierre-de-Chartreuse, l’un des accès au monastère de la Grande Chartreuse. Le nom du site viendrait de « forrata via », la voie percée par les chartreux pour y accéder. Entre les rocs escarpés se nichent les gorges étroites du Guiers-mort que la route contourne désormais par un tunnel. Les environs attestent de l’activité des chartreux en matière d’aménagement et par la même de patrimoine historique.

L'activité métallurgique
Lieu sauvage et inaccessible où les Chartreux décidèrent de fonder leur ordre sur les pas de Saint Bruno en 1084, le lieu n’a pas usurpé son qualificatif de désert, inhospitalier et coupé du monde. Comprenant quelles ressources cachent ses étendues boisées et l’environnement qui les entourent, les Chartreux entreprennent l’exploitation forestière et une activité métallurgique. Cette dernière est la principale source de revenu du monastère depuis le 12ème siècle, contribuant au développement économique du Dauphiné. Les fourneaux s’arrêteront définitivement en 1792 et la Révolution Française contraint les Chartreux à fuir, abandonnant le haut lieu de leur Ordre pour trouver refuge à l’étranger.
 

Les prémisses d’une industrie
La Chartreuse, mise au point par le frère Jérome Maubec sur la base du fameux manuscrit du Maréchal d’Estrée dans le courant du 18ème siècle va devenir au cours du siècle suivant la principale source de revenu de l’ordre et connaître un développement impressionnant. La production initialement artisanale, est tout d’abord cantonnée géographiquement et fort limitée. On la fabriquait alors dans la pharmacie du monastère et on la distribuait à proximité. Avec la diffusion commerciale de la liqueur à plus grande échelle, le lancement couronné de succès de la liqueur Jaune en 1838 et la hausse de la consommation et des ventes, la fabrication prend de l’ampleur et vient troubler la retraite des Chartreux.
L’installation à Fourvoirie est la conséquence directe de cet état de fait et va permettre l’industrialisation de la fabrication et la renommée mondiale de la “reine des liqueurs”.

A suivre...
[Merci à Vincent !]

lundi 18 mars 2013

Les commémorations de 2005

L'année 2005 est la date anniversaire des 400 ans de la remise du fameux Manuscrit remis aux Chartreux par le Maréchal d’Estrée d’où provient la recette secrète de leurs breuvages. Date symbolique donc et l’occasion à commémorations diverses en ce début des années 2000.

Exposition “Chartreuse 1605-2005 - La liqueur, 400 ans dans l’histoire”
Une exposition qui retrace l’histoire de la Chartreuse au fils des ses grandes lignes, d’anecdotes et d’épisodes marquants. Elle fut tout d’abord présentée d’abord en 2004 à Paris à l’Orangerie du Sénat, en partenariat avec ce dernier. Mémoire du Luxembourg : du jardin des Chartreux au jardin du Sénat, c’est en effet à la Chartreuse de Vauvert, située à cet emplacement qu'eut lieu la remise de la recette !
L’exposition fut ensuite déplacée à Voiron, dans un chapiteau pour l’année anniversaire de 2005 avant de devenir permanente sur le site, au premier étage des locaux de Chartreuse Diffusion : l'Odyssée de la Chartreuse. Il fut un temps envisagé d’inclure aux vitrines des bouteilles des cuvées spéciales commémoratives, notamment de V.E.P., mais pour des questions de conservation et de sécurité, on préféra se satisfaire de photographies !

Les cuvées spéciales commémoratives
Tout commence en 2004 avec des éditions spéciales de l’elixir végétal, renouvellée en 2005. Puis l'an suivant une cuvée de 1605 Verte fait son apparition sur le marché. Dite “liqueur d’élixir”, elle en évoque en effet le goût et est plus fort qu’une verte, titrant à 56°. Elle rejoint alors la gamme des liqueurs des Pères Chartreux où elle figure toujours.
En Espagne, les goûts et les habitudes de consommation étant ce qu’ils sont, on préfère la liqueur jaune, plus douce et moins végétale, et une verte si puissante risquait de ne pas être au goût de tous. Aussi il fut ainsi décidé de produire une liqueur jaune pour l’occasion, une “cuvée réservée à Tarragone”, titrant 43°. Cette 1605 Jaune fut commercialisée lors de l’édition 2005 des festivités de la Santa Tecla et en échos aux célébrations du 4ème centenaire.

1605 ou 1607 ?
Si la première de ses deux dates a été retenue pour la commémoration, il faut constater que ce ne fut pas toujours le cas. En effet sur divers supports commerciaux assez anciens, comme ce feuillet de la fin des années 1930, on trouve également une référence à la date de 1607... Qu’en est-il réellement ? Mystère !


Toujours est-il que depuis un certain temps on a retenu la date de 2005 et que les récentes festivités risquent d’avoir entériné ce choix de façon définitive...

mercredi 27 février 2013

Chartreuse in the USA, suite

La chartreuse et le marché US : une histoire partagée, suite !

V.E.P. bicentennial 1776-1976
A grandes occasions des cuvées spéciales d’exception ! Encore un exemple avec cette chartreuse V.E.P. commémorative qui n’est pas destinée à une tête couronnée mais en l'honneur du bicentenaire de l'indépendance des États-Unis. “Special limited edition to honour the 200th Anniversary of the American Independance” A very sought-after edition !

The Swampwater
Déjà mentionnée dans le cabinet de curiosité du blog, il s’agit d’une campagne publicitaire des années 1970’s autour d’un cocktail du même nom : chartreuse verte, jus d’ananas et citron vert. Le swampwater est illustré d’une figure de crocodile, servi dans un récipient particulier et fit l’objet d’une large diffusion. On dénombre de multiples publicités et produits dérivés. La campagne se traduisit par une forte hausse des ventes qui ne fut toutefois guère pérenne, le produit devant subir une certaine désaffection dans les années 1980.

Mister Tarantino & Co 
Véritable aubaine marketing, la séquence du film Le boulevard de la mort. Voir ! Une scène, une tirade “The only liquor so good they named a color after it” et des verres à shooter vidés d’un trait ! Pour l’anecdote il s’agissait bel et bien de chartreuse verte et certains figurants la sentirent passer ! Peu après rebelote avec les ZZ Top qui consacrent un titre à la liqueur dont ils sont tombés sous le charme. “Chartreuse, you got the color that turns me loose”. Anyway, sacrés coups de pouce en terme de visibilité grand public !

Cocktails and the bartending culture
Pourquoi un tel succès de la Chartreuse aux Etats-Unis ? Cela est en fait plutôt logique, les ingrédients de l’équation sont réunis : qualité du produit, riche histoire, présentation caractéristique... auxquels s’ajoutent aux USA la touche exotique (frenchy, monacal et ancestral !). Et enfin un contexte propice, une culture cocktail qui se démocratise via le web. Et ceci n’est pas fini !

Pour conclure, ne résistons pas au plaisir de citer à nouveau le mot d’esprit de frère Jean-Jacques qui eut cette réponse percutante lorsque quelque interlocuteur nord-américain lui demanda quels ingrédients entraient dans la recette secrète : «hamburger et fromage de chèvre» !

Voir aussi

lundi 11 février 2013

Chartreuse in the USA

En ce qui concerne la Chartreuse, les Etats-Unis ne sont pas un marché comme les autres !

The United States of America
Le pays compte parmi les premiers marchés au monde pour la chartreuse à l’export et la croissance des ventes y est depuis quelques années très marquée !
Seulement celle-ci est présente de longue date aux US : au XIXème siècle la liqueur y disposait déjà d’un importateur et déjà à l’époque on en faisait un ingrédient de cocktail ! J.P. Morgan en était un illustre amateur... La presse anglo-saxonne compte dès le début du XXème siècle de nombreuses publicités pour la liqueur des Chartreux. Fait notable le pays a connu la prohibition de 1920 à 1933, période durant laquelle la production, vente et consommation d’alcool étaient interdites !

Sole agents in the U.S.
Un certain nombre d’importateurs se sont succédés, on retrouve leurs noms sur de vieilles bouteilles : Jos F. Boll, Bätjer, Schenley Import Corporation, Schieffelin & Co, James C. Sussex, 21 Brands Inc... et désormais Friederick Wildman ! Cette liste n'est peut-être pas exhaustive, infos complémentaires bienvenues ! Ces sociétés étaient implantées à New-York, à l’exception de Sussex.
Voici ainsi retracée une partie de l'histoire de la liqueur des Chartreux outre-Atlantique :
Jos F. Boll au 19ème siècle
Bätjer (pré-prohibition) puis, à partir des années 1930, Schenley
 
Schieffelin, sur plusieurs décennies, puis Sussex
Cette multiplicité ce traduit par de nombreuses variantes de contre-étiquettes, de multiples mentions parfois rocambolesques (Artificial Color Added, imbroglio autour de Tarragone...), sans compter les stamp-tax de différents états ! Avis aux collectionneurs.

Enfin l’élixir végétal n'est pas distribué aux US car jamais sa recette ne fut transmise à l’administration concernée, vraisemblablement la FDA. Autant dire que ce n’est pas un oubli. So secret !

A suivre...
Voir aussi